Cannabis : situation juridique en France et en Europe
L’article traite des dispositions légales concernant la possession, le commerce, la culture et l’exploitation de cannabis en France et dans quelques autres pays européens. Outre la France, sur laquelle se concentrera cet article, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Italie, la Grande-Bretagne et la Pologne seront analysés et comparés
La situation juridique en France
La France est un des pays d’Europe les plus consommateurs de cannabis. Le pays applique pourtant des règles strictes vis-à-vis du cannabis. La possession, la consommation et particulièrement la vente et la production de celui-ci sont des délits au regard de la loi, celle-ci étant généralement appliquée à la lettre. Les peines encourues vont jusqu’à un an de prison et 3750 euros d’amende.
La culture du cannabis est quant à elle très sévèrement punie : les sanctions peuvent aller jusqu’à 7,5 millions d’euros et 30 ans de prison dans les cas les plus graves, lorsqu’il est avéré que la production est destinée au trafic de drogue. Les consommateurs de cannabis non cultivateurs et non vendeurs bénéficient cependant d’une plus grande indulgence, leur statut étant considéré comme moins actif dans la circulation de drogue. La vente et l’achat des graines de chanvre sont totalement interdits sur le territoire français. Certains revendeurs ont cependant trouvé des manières de contourner les lois françaises, notamment en présentant les graines comme des objets de collection non destinés à la germination. Les graines peuvent donc être achetées de manière relativement légale, mais non cultivées, ce qui limite leur utilisation.
Par ailleurs, des associations — généralement très discrètes — existent, lesquelles permettent à leurs membres un accès au cannabis pour leurs besoins personnels.
Il existe d’autres particularités dans la loi française que l’on ne retrouve nulle part ailleurs : ainsi, il est interdit en France de représenter les drogues quelles qu’elles soient, sous un jour positif. Cela signifie que les défenseurs du cannabis, et en particulier les activistes français, sont plus ou moins hors la loi. Il n’est pas autorisé de se prononcer publiquement pour une légalisation du cannabis. C’est pourquoi les initiatives en ce sens plaident toujours pour une utilisation médicinale.
Est-il légal de se faire expédier des graines de chanvre en France ?
Du fait du positionnement européen concernant la libre circulation des marchandises, il est possible de recevoir des graines de chanvre en France. De nombreuses banques de graines se sont établies en Europe et se sont spécialisées dans la culture et le commerce de graines de chanvre. Le commerce le plus important est celui vers les Pays-Bas, mais une offre de grande ampleur s’est également développée vers la France, l’Italie, la Grande-Bretagne, la Pologne et l’Autriche. Grâce à la liberté de commerce et de concurrence applicable en Europe, il est possible d’acheter légalement des graines de cannabis en ligne depuis la France. La douane elle-même n’a pas la main sur ces opérations tant que les produits sont dûment imposés au moment du changement de pays. Les revendeurs font tout de même preuve de discrétion. Des mesures sont prises pour anonymiser les commandes, les paiements et les envois. Les graines ainsi commandées sont expédiées dans un emballage neutre et sont généralement identifiées comme des souvenirs. Leur expédition suscite donc peu de questions malvenues et ne tombe pas sous le coup de la loi. D’un point de vue légal, le commerce de graines de chanvre depuis les pays de l’UE est un sujet particulièrement sensible puisque la France applique une politique très stricte au sujet du cannabis. Il est possible de posséder des graines, mais non de les faire germer. La circulation vers la France de graines issues d’autres pays n’est donc pas illégale en soi à partir du moment où celles-ci sont expédiées depuis un pays de l’Union européenne dans lequel le commerce de graines de chanvre est légal (ce qui est le cas dans la plupart des pays de l’UE).
Tout le paradoxe réside ici dans l’utilisation supposée des graines. La culture du cannabis à des fins médicinales ou de consommation personnelle n’est pas autorisée. Cependant, le gouvernement français ne peut que tolérer l’achat de graines en ligne, et ce malgré la forte probabilité que celles-ci soient utilisées à des fins de consommation de drogue. Le sujet de la consommation thérapeutique reste conflictuel : en dépit des prises de parole engagées de patients atteints de diverses maladies, le cannabis n’est que difficilement accepté comme traitement médical. Depuis 2013 cependant, certains médicaments contenant du cannabis, tels que le Sativex — un traitement en spray prescrit dans les cas de sclérose en plaques — sont autorisés en France. Une décision tardive dans l’Hexagone, les autres pays d’Europe ayant déjà majoritairement légalisé ce type de traitement. Le gouvernement français, très prudent, a cependant limité la prescription du produit à 28 jours, délai au-delà duquel une nouvelle ordonnance doit être émise.
Dans de nombreux pays d’Europe, il est possible d’acheter des graines de cannabis en toute légalité. On peut expédier des graines de chanvre vers tous les pays de l’UE. Les banques de graines se livrent donc une concurrence féroce. Il existe plus de 100 revendeurs pouvant expédier des graines partout en Europe. Le cannabis est donc un secteur économique d’importance partout dans le monde, notamment en France, où il contribue fortement à l’enrichissement d’e-commerçants spécialisés.
Peut-on cultiver du cannabis en France ?
En France, le statut des graines et fleurs de chanvre dépend essentiellement du taux de THC (ou Tétrahydrocannabinol) qu’elles contiennent.
Les produits à base de chanvre — et donc contenant du THC — prennent diverses formes, telles que gélules ou liquide pour cigarettes électroniques. Mais d’autres produits peuvent contenir cette substance, laquelle est très utilisée par l’industrie. Les secteurs du bâtiment, du textile, des cosmétiques ou de l’alimentation l’emploient à des fins autres que la consommation de drogue. C’est pourquoi une dérogation a été instaurée, selon laquelle tous les produits contenant moins de 0,2 % de THC sont considérés comme légaux.
D’autre part, certaines sortes de chanvre ne contiennent pas de THC, ce qui les exclut de toute mise en cause pénale. Un arrêté modifié du 22 août 1990 spécifie la liste des variétés de chanvre pouvant être utilisées dans un but commercial ou industriel.
Dans tous les cas, les autorisations en question ne concernent que l’utilisation de graines ou de fibres. L’emploi de fleurs de chanvre reste strictement interdit. Aucun produit fini ne doit contenir de traces de THC.
Malgré la législation stricte, plusieurs cas de figure sont distingués dans les faits. Une culture ayant pour but une consommation personnelle uniquement bénéficiera d’un statut moins incriminant que les cultures destinées à une revente ou à un trafic : dans ce cas, les poursuites peuvent entraîner de lourdes sanctions avec, comme évoqué précédemment, des amendes allant jusqu’à 7,5 millions d’euros et 20 à 30 ans de peine de prison.
La gravité de la situation dépend, entre autres facteurs, de la variété de chanvre cultivée, certaines variétés contenant un taux très faible de THC (moins de 0,2 %), ou n’en contenant aucun.
Plusieurs agriculteurs produisent du chanvre à des fins industrielles : production textile, isolation, denrées alimentaires pour les animaux notamment, peuvent nécessiter cette substance pour leur préparation. Dans ce cas, la culture est déclarée et contrôlée avec soin par les autorités.
Le plus prudent, pour les utilisateurs n’ayant pas un objectif de consommation, est de déclarer officiellement leur culture. Pour cela, il est nécessaire de soumettre un dossier à la DDAF (Direction Départementale de l’Agriculture et de la Forêt), sous peine de voir sa culture déclarée illégale.
La consommation de cannabis en France est-elle passible de poursuites ?
Contrairement à d’autres pays, où les autorités se montrent relativement tolérantes envers les personnes qui consomment du cannabis pour leur usage personnel ou en portent une faible quantité sur eux, la France applique une politique rigoureuse. Une personne arrêtée en possession de petites quantités ou simplement en train de consommer du cannabis peut être inculpée, et la consommation dans les lieux publics n’est pas tolérée. La peine encourue est de 3750 euros d’amende et un an d’emprisonnement, avec un durcissement important des mesures en cas de récidive. L’argument de la consommation religieuse ou thérapeutique n’est pas pris en compte. Cependant, l’application rigoureuse de la loi entraîne de fréquentes interventions de police, et donc des frais pour l’État, qui a annoncé en 2017 vouloir limiter la peine à une simple amende en cas de consommation ou de possession de faibles quantités. D’autre part, à des fins de prévention de toute récidive, les consommateurs de drogue peuvent être contraints par la loi de suivre un stage de prévention ou une cure de désintoxication.
La situation en France reste paradoxale : grand consommateur de cannabis, le pays possèderait cinq millions d’usagers de cette substance, dont plus d’un million de consommateurs réguliers. La politique très conservatrice de la France se heurte aux arguments de nombreux militants pro-cannabis thérapeutique et, malgré l’intérêt économique que le pays pourrait retirer d’une dépénalisation partielle, aucun assouplissement des lois ne semble s’annoncer dans les années à venir.
La situation juridique dans les autres États de l’UE
Après avoir passé en revue la situation juridique en France, penchons-nous maintenant sur les circonstances pénales qui s’appliquent en Allemagne, aux Pays-Bas, en Italie, en Grande-Bretagne et en Pologne. La situation pénale dans ces pays d’Europe est intéressante pour les amateurs de cannabis français, car des graines commandées en ligne en toute légalité peuvent leur être expédiées depuis ceux-ci. Par ailleurs, il devrait être possible de connaître prochainement la situation juridique dans les autres pays de l’UE.
Allemagne
En Allemagne, la situation légale du cannabis est claire d’emblée : sa culture, sa production, sa vente et son achat, toute importation ou exportation que ce soit, mais aussi la possession et la consommation de toutes les parties de la plante sont formellement interdites au regard de la loi. La détention de cannabis peut entraîner jusqu’à cinq ans d’emprisonnement.
- En dépit de la législation sans appel en Allemagne, la situation peut varier d’un land à l’autre du pays. Dans certains cas, la possession de quantités très réduites de cannabis peut être tolérée. La Rhénanie-du-Nord-Westphalie permet par exemple de posséder jusqu’à 10 grammes de cannabis, cette quantité pouvant s’élever à 15 grammes dans le land de Berlin.
- Si les interpellations sont peu fréquentes lorsque la quantité est négligeable, des amendes s’appliquent tout de même dans de nombreux cas, pour des montants variables et non limités.
- En Allemagne, l’utilisation thérapeutique du cannabis est autorisée. Rigoureusement encadrée par la délivrance d’une ordonnance, celle-ci permet d’obtenir des médicaments à base de THC depuis 2011. Les patients atteints de sclérose en plaques, notamment, peuvent y accéder.
Pour le reste, l’Allemagne reste l’un des pays les plus sévères vis-à-vis du cannabis : alors que la plupart des pays de l’UE abritent des banques de graines effectuant des ventes sur tout le territoire européen, l’Allemagne prohibe totalement cette pratique. Le pays refuse donc de participer à l’économie du cannabis, quitte à renoncer à un certain intérêt économique.
Pays-Bas
Les Pays-Bas sont souvent perçus comme le haut-lieu du cannabis par les amateurs en Europe. Cependant, si l’on examine la situation juridique du cannabis aux Pays-Bas, on constate qu’il ne s’agit pas, comme on pourrait tout d’abord le croire, d’un eldorado où les possibilités sont illimitées. L’idée reçue la plus répandue parmi de nombreux amateurs de cannabis est la suivante : le cannabis est légal aux Pays-Bas. Cela n’est pas exact. Aux Pays-Bas également, le cannabis est illégal. La particularité de ce voisin européen tient seulement au fait que le cannabis est toléré sur son territoire, ce qui a fait émerger des règles intéressantes à connaître
- En principe, la possession de cannabis est un crime, mais elle est tolérée lorsque la quantité possédée est inférieure à 5 grammes. La police est cependant autorisée à saisir le cannabis identifié.
- La possession de plus grandes quantités est considérée comme une activité commerciale et sanctionnée par une amende de 3500 euros.
- En possédant des quantités de plus de 30 grammes, l’on commet un délit pouvant être puni d’une peine allant jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et une amende de 16 750 euros.
- La consommation de cannabis en public n’est pas autorisée, mais elle est cependant tolérée en général car la police ne considère pas ce type de délit comme prioritaire. Dans le centre d’Amsterdam en particulier, une telle consommation ne devrait jamais poser de problèmes.
- La culture de cannabis est un délit. Cultiver jusqu’à cinq plantes est considéré comme de l’usage personnel, cela est donc toléré. Important : en cas de culture chez soi, celle-ci ne peut être assistée que par deux moyens techniques au maximum. Dans le cas contraire, la culture est considérée comme professionnelle et son propriétaire devient automatiquement un délinquant.
La situation des coffee-shops est, elle aussi, particulièrement intéressante, car elle est également soumise à une politique de tolérance malgré son caractère illégal en soi
- Les coffee-shops ne peuvent vendre que 5 grammes de cannabis par personne au maximum.
- La boutique ne doit pas avoir plus de 500 grammes de cannabis en stock.
- Aucune publicité ne doit être faite concernant la vente de cannabis.
Les coffee-shops ne vendant pas officiellement du cannabis et ne les cultivant pas eux-mêmes, chaque commerçant des Pays-Bas est obligé de se fournir sur le marché noir. Le commerce illégal de cannabis est un énorme problème aux Pays-Bas. Les politiciens plaident de longue date pour un commerce régulé, légal ou du moins toléré. Outre le problème de l’introduction du cannabis par la « back-door » (par la porte arrière), les Pays-Bas sont aussi confrontés au narco-tourisme, en particulier dans les villes proches de la frontière, avec l’Allemagne notamment. En juin 2014, les Pays-Bas ont promulgué un arrêt déclarant que les narco-touristes devaient être exclus des coffee-shops néerlandais. La loi est destinée à combattre à la fois la consommation massive par les touristes, mais aussi le crime organisé. En pratique cependant, cette loi est très rarement observée
Italie
Dans la plupart des pays de l’UE est menée une politique sévère concernant le cannabis. Des lois sont assouplies ou renforcées, mais l’on reconnaît une orientation politique lorsque l’on observe le statut juridique du cannabis. Avec sa politique contradictoire en la matière, l’Italie constitue la seule exception. Ainsi, en 2004, les lois sur le cannabis ont été fortement renforcées sous le président Silvio Berlusconi, mais en 2014 ces modifications ont été déclarées irrecevables par la Cour constitutionnelle. La situation juridique exacte et les mesures pénales encourues pour la consommation, la possession, le commerce ou la culture sont actuellement les suivantes
- Si l’on est identifié en possession de cannabis, la sanction se limite généralement à un avertissement, à partir du moment où la quantité possédée est manifestement destinée à une consommation personnelle.
- Dans le cas de plus grosses quantités, s’applique la présomption d’opération commerciale, qui entraîne des peines allant jusqu’à 75 000 euros d’amende et six ans de prison.
- La culture de cannabis est un délit, sanctionné par les mêmes peines que son commerce.
L’exception est la possession d’une seule plante, tolérée pour un usage personnel.
La vente et la culture des graines de chanvre sont quant à elles légales en Italie. Bien souvent, les graines de cannabis sont désignées comme objets de collection ou contiennent un avertissement indiquant que la culture des graines est illégale. En Italie, il existe environ 200 « growshops » permettant d’acheter des graines en boutique. La majeure partie de ces marchandises est importée depuis les Pays-Bas et l’Espagne.
Grande-Bretagne
Là aussi, on constate une politique antidrogue changeante. En Grande-Bretagne également, différentes lois sur le cannabis ont été promulguées durant les dernières décennies. Au début des années 2000, la Grande-Bretagne se mettait lentement mais sûrement sur la voie de la dépénalisation. Si l’on considère la situation juridique actuelle du pays, il ne reste plus grand chose de cette époque. En Grande-Bretagne, la possession de cannabis est passible d’une peine maximale de cinq ans de prison et/ou d’amendes non limitées en montant. Même en cas de première interpellation, la police consigne le délit et inscrit le contrevenant dans un fichier informatique national, où celui-ci demeurera valide en permanence. Les personnes étant ensuite interpelées une seconde fois en possession de cannabis sont considérées comme récidivistes. En matière de graines cependant, les Britanniques sont plus tolérants
- La vente et la possession de toutes les graines de cannabis, qu’il s’agisse de chanvre ou de plantes riches en THC, sont légales.
- La loi interdit seulement la germination et la culture de toutes sortes de cannabis sans possession d’une licence correspondante. L’obtention de cette licence est soumise au paiement d’une taxe et à la présentation d’un extrait de casier judiciaire.
- Attention : la culture du cannabis en soi est passible de peines de prison allant jusqu’à 14 ans et/ou d’amendes d’un montant non limité.
Pologne
La Pologne est l’un des pays dont les lois sur le cannabis sont les plus strictes. On n’y trouve même pas de cannabis médicinal. Bien que la Cour constitutionnelle ait plaidé auprès du gouvernement précédent pour un réexamen de la légalisation du cannabis médicinal en 2014, cette question n’a pas été résolue depuis. Le gouvernement polonais actuel mène une politique particulièrement sévère en matière de cannabis plutôt que d’afficher la tolérance attendue. À présent et certainement encore à l’avenir, la possession, la consommation et le commerce de cannabis auront des conséquences pénales importantes en Pologne. Sous les gouvernements précédents déjà, les personnes possédant de petites quantités de marijuana étaient passibles de peines de prison. En considérant la situation politique actuelle en la matière, il est plus prudent d’exclure toute consommation de cannabis lors d’une visite en Pologne. En fonction de la quantité introduite dans le pays, les mesures pénales sont les suivantes
- La consommation seule n’est pas considérée comme un délit, elle est donc tolérée.
- La possession de cannabis est cependant passible d’une peine allant jusqu’à trois ans de prison.
- Dans les cas où la quantité possédée est plus « importante », la peine peut aller jusqu’à dix ans.
- S’il s’agit de quantités limitées, la peine maximale est d’un an de prison.
Dans le cas de la culture du cannabis, les lois polonaises sont strictes, car aucune distinction n’est faite entre la culture de cannabis et la production d’opium ou de cocaïne. Chacun de ces délits peut entraîner une peine allant jusqu’à trois ans de prison, voire huit ans lorsque des quantités plus importantes sont saisies.